Intelligence Artificielle et Intelligence Relationnelle.

Trois formatrices en LI-ICV (Catherine Clément, Eléonore Lepez et Laure Mann) nous partagent les spécificités de la posture du thérapeute LI-ICV.

L’ IA peut-elle devenir ou non le prochain thérapeute LI-ICV ? 

Interviews réalisées et rédigées par Maryline Puysségur et Pascale Rousvoal-Molin. 

Article édité dans la newsletter de l’Association LI France

Indépendante des organismes de formation, LI-France est une association de thérapeutes formés à la thérapie LI-ICV.

Dans un contexte de très forte de demande de soins en santé mentale, fleurissent des propositions alléchantes de prise en charge par des IA génératives et/ou des applications, à destination des professionnels de santé, avec des boites à outils « prêtes à l’emploi » en vue d’optimiser les consultations.

La psychothérapie est alors vue comme l’utilisation de « techniques » qu’il suffirait d’appliquer, pour adresser les problématiques de santé mentale.

La ligne du Temps, outil de base en LI-ICV, constituée en grande partie de la liste chronologique des souvenirs d’une personne depuis ses 1ers souvenirs explicites, pourrait ainsi être considérée comme l’un de ces « outils » facilement accessible, par des personnes non formées et/ou utilisable par une IA, pour proposer une prise en charge thérapeutique à un patient.

Il nous a paru intéressant de mobiliser notre esprit critique de thérapeutes, pour évaluer différents aspects de ces proposition émergentes, avant d’éventuellement formuler une opinion à leur sujet et circonscrire notre posture de thérapeute LI-ICV . Nous avons sollicité, pour ce faire, les formatrices LI-ICV, au regard de leur longue pratique de cette thérapie et de l’analyse qu’elles en font, au service notamment, de l’évolution permanente des modules de formations.

Nous remercions sincèrement Catherine Clément, Eléonore Lepez et Laure Mann  d’avoir accepté de nous accorder un peu de leur temps pour répondre à nos interrogations.

D’abord développée comme une psychothérapie du trauma, la LI-ICV a pour objet l’intégration neuronale des souvenirs traumatiques, notamment la partie émotionnelle, qui du fait de son intensité, a perturbé l’encodage mnésique naturel.

La ligne du temps (LT) est l’un des éléments du trépied de la thérapie LI-ICV, associée à la répétition de tout ou partie des souvenirs qu’elle comporte et à l’accordage thérapeute/client.

 
Aussi, notre première question est la suivante : la seule lecture répétitive des souvenirs, sur la base de la Ligne du temps (LT) du client, par une IA ou par le client lui-même, pourrait-elle suffire à permettre une intégration des souvenirs traumatiques ?
LAURE

Pour certains clients, cela a été une question : la possibilité de se lire tout seul leur LT!  Ce n’est pas nouveau, cette question d’une LT qui serait enregistrée et qui serait utilisée par quelqu’un (le client et/ou une IA) entre les séances, voire sans l’accompagnement d’aucun thérapeute !

On peut imaginer que les personnes qui ne peuvent pas demander d’aide, qui ont un système d’attachement désorganisé ou très insécure, les personnes très traumatisées, pourraient préférer faire confiance à une machine plutôt qu’à un autre être humain. La démarche pourrait leur sembler plus accessible, plus facile effectivement. Est-ce que ça marcherait ? Ce qui est sûr, c’est que l’évitement de la relation avec un autre être humain serait maintenue et pour le client sa capacité à être en relation ne serait pas travaillée. Ce qui soigne, c’est le fait de réguler nos patients pendant les lectures de la LT grâce notamment à l’accueil inconditionnel proposé par le thérapeute.

Le trauma complexe possède une dimension interpersonnelle. La thérapie réactive d’une certaine manière, le trauma, les représentations, les modèles internes opérants[1] qui sont liés à la relation. La « réparation » passe par un autre humain.

Pour ma pratique, je ne pense pas que l’IA va impacter le travail que je fais ! Mais restons humble, cela permettra surement autre chose, peut-être du côté des personnes hypra traumatisées, qui ne peuvent pas pousser la porte d’un cabinet de psy, qui sait ? c’est ce que nous allons découvrir ces prochaines années !

ELEONORE

On a le droit de se servir de la LT comme d’un outil, en utilisant uniquement certains protocoles comme le TSPT (Trouble de stress Post Traumatique) ou le PR (Protocole de la Relation), en traitement « one shot » ! On ne peut pas imposer une façon unique d’utiliser LI-ICV, même si, dans cette façon de l’utiliser, on se prive d’un certain nombre de choses.

Au travers de la formation, nous transmettons nos observations cliniques, à savoir que dans la thérapie LI-ICV,  il y a une part qui ne se contrôle pas ! Cette notion est importante, sinon en effet, il suffit d’utiliser ChatGPT .

Nous proposons ainsi aux participants de l’expérimenter, d’éprouver dans les 3 practicums notamment, en tant que thérapeute, client et observateur,  les variations individuelles quant à  l’impact des répétitions de la LT au niveau du corps, en terme de sensations et d’émotions ! Par exemple, en fonction du souvenir signal par lequel on commence la lecture de la LT dans une séance, il va se passer des choses différentes pour chacun.

Les ateliers comme celui de la rédaction de la ligne du temps, les vidéos de séances enregistrées avec des patients, les démonstrations pendant les formations complètent cette expérience individuelle indispensable, parce que les apports théoriques et pédagogiques seuls ne permettent pas de retranscrire précisément ce vécu singulier de chacun.

Cette dimension corporelle va guider le plan de traitement, on ne peut pas se contenter d’une application purement technique.

Dans les formations, la pédagogie a été beaucoup agrémentée par l’apport de la théorie polyvagale[2], notamment l’analyse qu’elle propose des réactions physiologiques chez le patient, permettant au thérapeute d’adapter la séance au fil des observations ; au final, de donner au thérapeute un levier puissant d’accordage, sans agresser le système du patient.

CATHERINE

Cette question est vraiment au cœur de la formation en effet. Je pense que chacune des formatrices, dont je fais partie, pense que certains protocoles vont avoir un effet, un retour rapide pour des évènements bien définis, bien délimités !

Pour autant, cette efficacité ponctuelle ne permet pas de traiter, de réparer le système du patient, son organisation intérieure, en particulier s’il vient d’un trouble de l’attachement précoce. On transmet ce message en formation !

Certaines personnes viennent en formation chercher « un truc » qu’elles vont intégrer à d’autres techniques. Cela leur permet quand même d’aider des gens ponctuellement ! D’autres personnes comprennent assez vite que LI-ICV est une approche thérapeutique, ce qui implique le temps ! Et il y a également des personnes, et on le voit aux intervisions, pour lesquelles une bascule s’opère. Dans un premier temps elles viennent chercher « un truc », mais s’aperçoivent qu’il y a plus que ça !

Ce que j’aimerais souligner, c’est que pour moi,  LI-ICV n’est pas un outil, LI-ICV n’existe pas sans la relation. Il y a une LT, il y a des protocoles mais les protocoles servent à guider le thérapeute, dans la façon d’avancer avec une personne singulière. C’est surtout le « comment » on l’utilise, comment on la décline au cours de la séance, comment on la transmet qui va être déterminant.

Et si on va plus loin, on peut dire que si un thérapeute ou le patient lui-même enregistrait la LT, que le patient écouterait ensuite chez lui, cela ne serait pas LI-ICV ! Dans nos séances, on perçoit bien comment chaque répétition est différente, le ton de voix, le rythme… et tout ce que l’on ne perçoit même pas, mais qui s’invite différemment à chaque fois.

Ce qui est thérapeutique et réparateur, c’est l’interaction de 2 systèmes complexes[3], deux humains connectés autour de la LT ; ce que ne pourrait pas permettre la lecture de la LT par une IA.

Ce que l’on peut comprendre, au travers de vos propos, c’est que LI-ICV n’est pas, à l’exception de l’utilisation de quelques protocoles ciblés sur des problématiques précises, une thérapie « brève » ?
CATHERINE

Oui et cela nous conduit, dans les formations en particulier, à être vigilantes dans notre façon de présenter les choses. Pour ma part, je ne présente jamais LI-ICV comme un outil car ça laisserait penser que je peux dégainer l’outil LT comme ça et le ranger dans ma poche jusqu’à la prochaine fois. LI-ICV n’est pas une recette qu’on applique à la lettre (NDLR en référence à l’utilisation des protocoles en LI-ICV) et paf c’est réglé !  On peut faire une séance sur un évènement précis, et obtenir des résultats rapides, ça oui en effet ! ça va vite sur un TSPT, sur quelque chose de circonscrit, de limité.

Avec des patients qui ont un système d’attachement désorganisé, avec des traumas complexes, cela peut prendre des années ! C’est un processus qui peut être très long, mais quand les patients sont dedans, quand ils ont compris cela, qu’ils en ressentent les effets, ça ne leur pose aucun problème. Le thérapeute peut rester intègre dans cette temporalité, la LI-ICV est une approche thérapeutique au sein de laquelle le temps est important.

Dans les formations, nous encourageons également vivement les thérapeutes à faire un travail personnel pour expérimenter ce qu’implique réellement l’approche LI-ICV notamment au regard de la notion du temps. Dans son propre travail, le thérapeute  va sentir de l’intérieur que ça prend du temps de se réparer.  

ELEONORE

En effet, et c’est ce qui peut conduire certains thérapeutes à arrêter de pratiquer LI-ICV, après avoir été formés, parce qu’ils se découragent vite. Au bout de quelques séances avec les protocoles, ils trouvent qu’il ne se passe rien !

Ils veulent du résultat rapide ! Mais c’est aussi la demande de certains clients qui veulent une thérapie brève, car l’engagement, l’impact financier notamment ne sont pas négligeables. Certaines méthodes sont vendues comme révolutionnaires, avec des résultats immédiats ! Mais la réalité est que ces méthodes sont limitées dans leurs effets ; il ne suffit pas d’identifier, avec les personnes, quelles sont les pensées alternatives pour qu’elles se mettent à penser comme ça !

On peut également etre confrontés à des clients qui pense que l’on va trouver la formule magique pour résoudre leurs problèmes, alors que ce problème existe depuis des années. Ce sont souvent des emprises qui se rejouent et il est important que le thérapeute puisse repérer ce fonctionnement, ce qui suppose qu’il soit bien formé et supervisé.

Le souhait d’obtenir des résultats rapides ne correspond pas à la façon dont se construit un être humain, extrêmement immature à la naissance et dépendant de l’environnement. Cela ne correspond pas non plus à la proposition thérapeutique de LI-ICV.  Les êtres humains sont des systèmes complexes*. S’il suffisait de dire « faites comme ci ou faites comme ça », ce serait magique ! Or les stratégies de protection qu’un individu développent lui sont vitales, il ne s’en départit pas comme ça. La plupart de nos patients le savent bien !

C’est ce que nous essayons de faire passer comme message durant les formations LI-ICV : rejoindre la vision du monde du patient, se mettre à son niveau pour ne pas secouer son système malgré lui. Le thérapeute doit  pouvoir percevoir la pertinence des stratégies de protection qui ont servi à la survie et donc on ne va pas le bousculer comme ça, parce qu’ il y a un risque de re-traumatisation. On doit accepter qu’il y a une temporalité absolument nécessaire.

LAURE

Le travail de répétition des Lignes du Temps va permettre de sortir du trauma et en particulier du trauma complexe ; le trauma simple, c’est visible sur une séance ! Le trauma complexe ça prend des années. 

Je prends toujours l’exemple de Neige SINNO[4] qui parle bien de comment elle vit le trauma au quotidien : quand elle marche dans la rue, que son mari est devant elle avec son enfant, elle y pense ! Au restaurant un homme se lève et va aux toilettes avec sa petite fille, elle y pense ! c’est tout le temps là ! En fait, dans le trauma complexe le déclencheur est automatique !

En LI-ICV on va être très attentif à ce dont le système de la personne peut se saisir, ce que l’on appelle « la fenêtre de tolérance » parce que la répétition des LT, c’est un apprentissage pour le client! L’apprentissage de « c’est fini ! j’ai une histoire derrière moi, je ne suis plus ce petit enfant traumatisé, je suis cet adulte-là dans le présent ! »

Neige SINNO pour revenir à cet exemple, quand elle voit un homme partir avec un enfant, elle voit de l’inceste et elle redevient cette petite fille ; et donc sortir de ça, c’est vraiment pouvoir être dans le présent ! Mais cela prend du temps !

Comment pourriez-vous présenter votre travail, votre posture de thérapeute LI-ICV (si possible en mettant en exergue ce qui permettrait de se différencier de ce que pourrait proposer une IA) ?
ELEONORE

La posture du thérapeute LI-ICV est celle d’un passeur, qui est là pour montrer comment le temps a passé, de prouver au système interne du patient que « c’est fini ! » et pas la posture de celui ou celle qui doit savoir.

Le thérapeute LI-ICV va mettre à disposition, dans une posture d’ouverture, son propre système interne (son corps à travers ses ressentis, ses émotions) à ce qui se passe pour le patient dans la séance, pour faire écho à ce qu’il est en train de vivre, aller le rejoindre dans sa représentation du monde, mais aussi dans sa représentation corporelle et émotionnelle. Ainsi, le patient peut faire l’expérience correctrice qu’il n’y a pas que la détresse, la souffrance dans laquelle il se trouve. Il y a aussi maintenant quelqu’un avec lequel il peut se connecter, capable de lui prendre la main et de lui dire « c’est fini, regarde ! Tu as survécu ! ». Ce n’est pas évident à expliciter car c’est quelque chose qui se vit.

Le thérapeute LI-ICV reste connecté à lui- même et ne va pas fusionner avec le vécu du patient, ce qui permet d’expérimenter que le vécu de ce dernier n’est pas une fatalité, qu’il peut obtenir un étayage, du soutien. Le thérapeute est là pour traverser avec lui.

Son rôle est d’assurer les répétitions de la Ligne du Temps, de maintenir ce cadre pour que le patient puisse se rendre compte, que si le thérapeute est là avec lui, c’est qu’il a survécu.

CATHERINE

Le thérapeute LI-ICV doit pouvoir oser partir à la découverte, aller à la rencontre de ce qui va se jouer dans la séance au niveau de la relation et aussi dans la façon dont le patient va l’utiliser. Cette découverte est d’abord un processus intérieur dont chacun va faire quelque chose, en fonction de lui-même. Allan N. Schore, dans son dernier ouvrage[5] présente le phénomène à la base de toute relation psychothérapeutique et dont le rôle est essentiel dans le processus de guérison : la communication inter-cerveau, c’est-à-dire celle qui s’établit entre le cerveau du patient et celui du thérapeute. C’est une approche très différente de celle qui consisterait à apporter une ou des solutions définitives comme ce que peut faire une IA.

La thérapie LI-CIV n’existe pas sans la relation. Il y a une LT, il y a des protocoles mais les protocoles servent de guide, non pas pour amener les patients à avoir une vision mais pour les accompagner à développer la leur.

Peggy PACE souligne que quand, en tant que thérapeute, on s’assied face à une personne, on est face à quelqu’un d’unique. C’est toute l’histoire de l’accordage, de comment on sent ce qui se passe et de comment on l’utilise au service du patient, pour qu’il puisse mieux se réguler émotionnellement, qu’il puisse remettre de la temporalité dans son histoire de vie et se dire « je suis en 2025, je peux prendre mes décisions ! » et acquérir un système « d’attachement sécure acquis »[6].

Les répétitions de la LT en LI-ICV, avec toute leur puissance, permettent au patient d’aller à la rencontre de son histoire sans qu’il y ait un effondrement, une décompensation.

LAURE

Pour ma part, je me positionne dans l’ouverture et l’accueil de l’autre inconditionnel, surtout en tout début de thérapie : je vais à la rencontre de mon patient, là où il en est à ce moment-là.

Le thérapeute LI-ICV est très à l’écoute de ses propres pensées, émotions, sensations. A chaque séance, c’est comme si je devenais une caisse de résonnance. C’est une expérience très sensorielle pour moi la posture de thérapeute LI-ICV ; je fais confiance à mes ressentis, dire, ne pas dire…

Le travail personnel que je fais m’aide considérablement. Il me semble que j’ai vraiment conscience de ce qui m’appartient, de ce qui se réveille en moi dans la relation à l’autre et de ce qui appartient à l’autre … c’est très complexe ! L’IA n’a pas d’histoire personnelle, n’a pas d’émotions… Est-ce qu’il pourrait néanmoins y avoir un travail thérapeutique ?  c’est une question encore une fois à laquelle je n’ai pas la réponse

 

Lors des formations, il est vivement conseillé à chaque thérapeute d’entreprendre un travail personnel en LI-ICV, ce qui est assez peu courant. Que pourriez-vous dire pour encourager les thérapeutes à faire leur propre travail personnel en LI-ICV ?
ELEONORE

Le thérapeute doit pouvoir repérer ce qui se passe pour lui face à ses clients. S’il y a des choses qu’il ne peut pas voir, qu’il ne peut pas entendre car lui-même est trop activé, cela va faire revivre au patient ce qu’il a déjà expérimenté avant. Par exemple, les clients hypo activés sont très difficiles à accompagner car ils vont vivre un sentiment d’impuissance importante.

Il faut que notre corps à nous ait fait le travail de sentir que les émotions ne sont pas dangereuses, c’est une boussole qui nous indique là où en est le patient, là où j’en suis moi- même et comment on fait à deux pour continuer à avancer, en sachant tout de même que c’est moi, thérapeute, le capitaine à bord.

D’un point de vue pédagogique, c’est très intéressant de transmettre ça : l’expérience du corps qui valide que les émotions ne sont pas dangereuses ! Il faut pouvoir le théoriser dans une certaine mesure pour le rendre pédagogique mais le travail personnel permet l’expérience !

Dans la posture de formatrice, il y a aussi la question de laisser se développer chaque thérapeute c’est-à-dire que nous ne devons pas amener les thérapeutes à devenir ce que nous voulons nous, c’est aussi ça dans le processus de formation qui est de s’approprier LI-ICV en fonction de ce que nous sommes.

Il y a également un enjeu de transmission des valeurs de LI-ICV qui est une approche thérapeutique au service des personnes que l’on accompagne, qui passe notamment par respecter la temporalité du patient mais également faire sa propre thérapie LI-ICV et avoir un espace de supervision. C’est ça qui est aussi le cœur de cette approche.

On voit bien là qu’on est loin de l’application mécanique d’une ligne du temps et de différents protocoles !

CATHERINE

Nous sommes dans une société qui demande tellement aux gens d’être efficaces, d’avoir des résultats, que même les thérapeutes sont happés là-dedans. C’est dur de lutter contre des mouvements de société où il faut du résultat, rapidement. On te parle d’outil et on oublie le temps. En formation nous encourageons en effet les professionnels en disant : « faites votre travail personnel et vous verrez ce qu’implique réellement cette approche », cela permet d’aller voir de très près cette notion du temps, dans son propre travail !

Je peux voir comment certains thérapeutes vont vers cette thérapie d’abord pour eux, car on le sait bien, beaucoup de professionnels ont des attachements désorganisés et très blessés. Faire sa propre thérapie LI-ICV c’est, entre autre, se donner la possibilité de ressentir de l’intérieur que ça prend du temps d’aller se réparer !  

Par contre, lorsque des professionnels me sollicitent pour une thérapie LI-ICV, je pose de suite le cadre : même s’ils sont thérapeutes LI-ICV, je vais travailler avec eux comme des patients lambda. C’est un processus thérapeutique qui engage et l’idée ne doit pas être de pouvoir « voir » ce qu’est tel protocole ou tel autre. L’objectif est de dégager une demande personnelle qui prend le pas sur la demande professionnelle.

LAURE

J’ai moi-même un parcours thérapeutique très long, de plusieurs décennies. Le travail LI-ICV est une proposition d’aller visiter des endroits où on n’est peut-être jamais allés, de cette façon-là en tout cas ! Les périodes préverbales et prénatales sont impactées de l’histoire de vie de nos parents, de notre environnement et aller à cette rencontre est très spécifique. Pour ma part, ce travail personnel a été l’occasion de grands changements dans mon rapport à moi-même, aux autres, au monde… à la vie dans sa totalité !

Je ne peux qu’encourager nos collègues à tenter l’aventure : ils ne seront pas déçus. L’approche LI-ICV, pour moi, possède une dimension unique, supérieure à tout ce que j’ai connu jusque-là.

Merci encore à Catherine Clément, Eléonore Lepez et Laure Mann pour leurs perspectives éclairantes sur ces questions complexes qui convergent pour présenter LI-ICV comme une approche dont le cœur est un processus relationnel et singulier, au sein duquel, face à un thérapeute incarné par un cerveau, un corps, se re-joue tout ce que le client a intériorisé dans sa relation à soi, aux autres et au monde, pour permettre la réparation. Si l’utilisation de la LT comme d’un outil semble possible, ce n’est pas la proposition thérapeutique de LI-ICV.

Peut-être, au final, que la question n’est pas tant de savoir si l’ IA nous ressemble ou nous ressemblera, sera un jour capable de fonctionner comme un cerveau humain, mais de définir ce que voulons-nous en faire et pourquoi ? 

[1] Modèles Internes Opérants = John Bowlby (1907 – 1990) psychiatre britannique, a développé le concept de modèles internes opérants (Internal working models) pour désigner les modèles mentaux que l’enfant se construit, par l’intégration des séquences interactives avec ses figures d’attachement (en particulier des réponses les plus saillantes et les plus fréquentes) dans sa mémoire procédurale.

[2] Théorie polyvagale = Développée par Stephen Porges, la théorie polyvagale est une théorie qui décrit comment le système nerveux autonome (SNA) contrôle divers processus physiologiques dans le corps.

[3] Système complexe = Un système complexe est un ensemble composé de nombreux éléments en interaction qui possèdent un comportement global lequel ne peut être facilement expliqué à partir des seules propriétés individuelles de ces éléments.

[4] Neige SINNO- Triste tigre – 2023 POL

[5] Allan N. Schore – Psychothérapie du cerveau droit – La révolution des neurosciences affectives – Dunod 2025

[6] Attachement secure acquis = Processus de réparation du modèle d’attachement développé initialement par la personne, notamment dans le cadre thérapeutique.